La nature humaine, quand même. Renaud Verreydt, par exemple.
Un gars qu’on situerait volontiers entre Julos Beaucarne et Gaston Lagaffe.
Descendu du Plateau du Larzac, tendance éleveur de chèvres.
Pour son look, d’accord, mais aussi pour sa philosophie de la vie.
Même quand il tenait le haut du pavé dans le monde psychorigide du sport automobile, Verreydt dérogeait aux codes : un respect très africain des horaires, une allergie épidermique au phrasé habituel des pilotes politiquement corrects.
Bref, un égaré qui était le premier à se demander ce qu’il faisait là.
Saut qu’une fois le casque vissé sur la tête, le poète se muait en danseur étoile.
L’homme qui écoutait pousser les arbres devenait un sprinter effréné.
Le dilettante, spectateur de la vie, se transformait en rallyman d’exception. Un coup de volant magistral, un talent naturel qui lui ont permis de décrocher quelques perles : Spa, Ypres et Condroz figurent à son palmarès.
DÉCEPTION À 56 ans bien sonnés, Renaud est presque rangé des voitures. D’ailleurs, le rallye du Condroz 2013 faillit être son dernier rallye… « J’y alignais une BMW M3 magnifique pour laquelle j’avais consacré des centaines d’heures de montage et des milliers d’euros », rappelle-til.
« Hélas, je suis sorti de la route après quelques kilomètres : voiture totalement détruite. » Depuis ce coup du sort et une grosse fâcherie avec les organisateurs locaux, Renaud boudait dans son coin de verdure condruzienne.
Le voilà pourtant inscrit aux Legend Boucles de Bastogne sur une Escort fort performante, flanqué de son copilote-complice, JeanFrançois Elst.
Comme si l’épreuve ardennaise devait servir de thérapie… « C’est pour Louise, ma fille, que j’ai décidé de me remuer », raconte-t-il.
« Elle ne voulait pas que je reste sur un échec.
Elle a mobilisé tant d’énergie pour que je roule à nouveau.
Ainsi, après le crash de ma BMW, elle a créé un groupe de soutien sur Facebook.
Il compte plus de 2000 personnes.
J’avoue que je suis aussi flatté de voir à quel point ma participation à ce rallye suscite l’enthousiasme.
Des potes de longue date, d’anciens sponsors, beaucoup de gens se sont mobilisés. »
UN RÊVE D’ADO
Aussi, c’est sur la Ford avec laquelle François Duval a imposé sa loi ces dernières années que le poète va faire des rimes à coups de carbus Weber.
« Une sacrée bagnole qui me faisait rêver quand j’étais ado », explique l’homme. « Mais bon sang, elle n’est vraiment pas facile à maîtriser.
Elle glisse sans cesse de l’arrière. Dans les longues courbes sur un revêtement bosselé, je suis sans cesse sur le qui-vive, à me battre avec le volant pour la remettre dans le droit chemin. Une voiture d’une trentaine d’années, gavée de chevaux.
Rien de comparable avec les bolides actuels. Je comprends que les jeunes pilotes soient surpris par un tel engin : il n’y a pas de Groupe 4 sur PlayStation ! » Renaud admet pourtant qu’il risque très vite de se prendre au jeu… « Je dispose d’un excellent matériel pour figurer parmi les meilleurs.
Je ne vais pas m’en priver. »
Article de DOMINIQUE DRICOT source Sudpresse du 19 février 2016
photo Source sudpresse et V Pironet